Le DSM 5 : Diagnostic and Statistical Manual of Sartorial Disorders

Hugo JACOMET
21/5/2013
Le DSM 5 : Diagnostic and Statistical Manual of Sartorial Disorders

Gentlemen,

les polémiques à propos de la publication le 18 mai dernier du DSM-5 – Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders, autrement dit la « Bible » pour le diagnostic des maladies dites mentales – font rage dans de nombreux média, tant la nouvelle mouture de l’ouvrage, sous l’influence évidente des habituels lobbys pharmaceutiques sur-puissants, interpelle et choque de très nombreux observateurs dans les communautés médicales et scientifiques.

Ne faisant pas partie de ces dernières, je ne m’aventurerai donc évidement pas sur le terrain médical, même si, entre nous, il n’est nul besoin d’être médecin pour comprendre, par exemple, qu’une profonde tristesse liée à un deuil est un phénomène pour le moins normal (et malheureusement inévitable) dans la vie d’un être humain.

Pourtant, depuis très précisément le 18 mai 2013 et l’article consacré à la dépression dans le DSM-5 , il semblerait qu’être triste plus de 15 jours après le décès d’un être cher soit désormais le symptôme d’un épisode dépressif majeur nécessitant, bien sûr, l’ingestion de psychotropes à heures fixes. Dans le DSM-4, il était question de deux mois de deuil avant de prescrire des médicaments, ce qui était déjà extrêmement discutable  (le simple fait de vouloir à tout prix « normaliser » et quantifier une douleur mentale en spéculant sur des réactions chimiques largement supposées étant par essence hautement discutable, et pas que dans une perspective médicale).

Aujourd’hui quelques psychiatres ont donc décidé de manière arbitraire pour l’humanité entière de soustraire 6 semaines à ce diagnostic pour le moins déjà approximatif et ainsi ouvrir la boite de Pandore des nouvelles générations de psychotropes, hyper ciblés, hyper marketés, extrêmement couteux pour nos régimes sociaux et, malheureusement, toujours aussi addictifs et dangereux.

Ce qui est cependant réconfortant dans cette histoire, c’est la levée de boucliers que la liste des nouvelles « maladies mentales » génère auprès des médecins eux-mêmes et notamment les incroyables hyperphagie (maladie mentale consistant à avoir au moins une crise de gourmandise par semaine) et trouble de déficit de l’attention (dont la limite de prescription est désormais fixée à trois colères par semaine pour un enfant).

En bref et sans aller plus loin dans les 350 maladies répertoriées (contre 60 il n’y a encore que quelques années), votre serviteur passe déjà à la trappe avec ces deux premières maladies. Car, comme la grande majorité d’entre vous, mes moments de gourmandises (le fromage en ce qui me concerne) ainsi que ceux de colères (parfois très salutaires) sont sans doute beaucoup bien plus nombreux que les « limites » indiquées. Et c’est heureux !

Alors même si nous faisons tous, plus que jamais, confiance à notre médecin de famille (lorsque l’on a encore la chance d’en avoir un) pour substituer le plus souvent une bonne tisane et une bonne discussion réconfortante à ces médicaments dangereux et sur-prescrits, cette dérive médicamenteuse interpelle aujourd’hui bon nombre de penseurs et de philosophes, spécifiquement en dehors de la communauté scientifique et médicale. Ce qui est plutôt rassurant.

Et pour en revenir à nos moutons (!) et à des considérations plus habituelles dans ces colonnes, il est donc de mon devoir d’apporter de toute urgence la contribution de PG à ce débat au nom de tous les amoureux (parfois obsessionnels) des beaux vêtements et de l’élégance classique. Car connaissant certains d’entre vous et à en croire le DSM 5, nous serions désormais quasiment tous de parfaits malades mentaux qu’il est urgent de prendre en charge….

Mais la grande différence entre notre communauté de passionnés d’élégance discrète et bon nombre d’autres, c’est que nous sommes tous parfaitement conscients, si ce n’est contents…d’être tous atteints d’une affection légère à sévère liée à l’obsession sartoriale, et que cette affection semble de nos jours prendre des formes de pandémie dans nos sociétés occidentales, minées, lessivées et asséchées par le « prêt-à-porter-chausser-manger-penser » ambiant.

Ainsi, et avant que certains d’entre nous ne se retrouvent, à tort, diagnostiqués comme porteurs d’une névrose obsessionnelle du glaçage ou, pire, d’une psychose du pliage de mouchoir, dont la forme sévère peut d’ailleurs s’apparenter à la forme aigüe de l’épisode traumatisant de la goutte de cravate mal centrée, nous avons donc décidé d’inaugurer notre propre classification des dérangements mentaux pouvant être occasionnés par un excès d’excellence et d’élégance : Le Diagnostic and Statistical Manual of Sartorial Disorders.

Et pour prolonger la tradition de notre bande de joyeux drilles psychiatres, littéralement payés pour inventer des maladies, nous faisons aujourd’hui nous aussi appel à tous nos lecteurs pour tenter de répertorier les maladies mentales (et les remèdes) liées à notre inclinaison à bien nous habiller, avant que les psychiatres américains ne le fassent pour nous.

Et pour inaugurer notre DSM, 1er du nom, nous avons le plaisir de partager avec vous les trois affections les plus courantes dont notre communauté est affectée.

CAS 1 : LE SYNDROME DU GLAÇAGE COMPULSIF OU SYNDROME DIT « DU MIROIR PERPETUEL »

Cette affection, dont les spécialistes contemporains s’appellent Paul Bolten, Hom N’Guyen ou Justin Fitzpatrick, et les fournisseurs Corthay, Altan ou Bestetti, se manifeste par une envie incontrôlable de faire briller le bout de ses souliers plus d’une fois par semaine.

Ce comportement tout à fait excessif dans une société tenant à protéger à tout prix sa médiocrité, serait lié à la production massive de Dopamine générée par l’action conjointe de l’odeur des produits d’entretien SAPHIR et du mouvement circulaire salvateur de l’index et du majeur, prisonniers d’un morceau d’étoffe souillé.

La forme sévère, le miroir perpétuel, ne concerne que quelques cas dans le monde et doit faire l’objet d’une prise en charge immédiate : elle consiste à se déchausser pour refaire son noeud de cravate en se regardant dans le bout miroir de ses souliers. Une forme larvée d’hyper-narcissisme…

CAS 2 : LE TROUBLE OBSESSIONNEL DE L’EPAULE TOMBANTE OU SYNDROME NAPOLITAIN AIGU

Ce trouble, très répandu en Italie, consiste à choisir chroniquement des costumes à épaule tombante, dénotant clairement une tendance du sujet au renoncement et à l’acceptation de sa condition.  Peut se régler, dans ses formes légères (à partir de super 180s), avec une petite administration de padding en unidose. Attention à ne pas la confondre avec le trouble de l’épaule Romaine qui, dans sa forme la plus aigüe, produit les effets inverses : Mégalomanie ou Syndrome dit du « Power Suit ».

CAS 3 : LA PSYCHOSE DE LA MILANAISE (LA BOUTONNIÈRE PAS L’ESCALOPE), OU TROUBLE OBSESSIONNEL DU POT DE FLEUR


La psychose de la Milanaise est indiscutablement la maladie mentale actuellement la plus répandue parmi la population des hommes sarto-concernés et se manifeste de trois façons principales :

– Trouble obsessionnel du comportement consistant à déboutonner ses boutons de manches de costumes pour se laver les mains. Vulgaire et suranné (ce qui est encore pire).

– TOC consistant à regarder compulsivement et fixement autrui dans le revers plutôt que dans les yeux (au moins les premières secondes, qui correspondent à la forme aigüe). Le remède consiste à ne présenter au sujet, pendant 6 mois, que des boutonnières industrielles simulées afin de générer chez lui l’acceptation de l’inutilité de ces dernières et de briser la boucle de sa compulsion.

– Et, dans sa forme la plus sévère, l’impulsion, plus d’un jour par mois, à se prendre pour un pot de fleur et à arborer, dans une réminiscence de culture barbare et arriérée, un élément végétal à la boutonnière. Il s ‘agit à l’évidence d’une forme complexe de confusion identitaire, rendue encore plus sournoise par l’harmonie apparente du monde animal et végétal… A prendre très au sérieux.

Nous en appelons donc désormais à votre sens des responsabilités et à votre dévouement pour nous aider à répertorier d’autres affections sartoriales en vue de la publication de notre DMS-1 qui, n’en doutons pas, saura être aussi créatif (et ridicule) que son modèle pseudo-médical, représentation ultime du « prêt-à-penser » ambiant.

Après tout, plus on est de fous, plus on rigole non ?

Cheers, Dr HUGO

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